Petites aventures littéraire

Le Poisson-Hirondelle (ou le pouvoir des mots)

On 31 décembre 2017 by

Le Poisson-Hirondelle (ou le pouvoir des mots)

A quoi penses-tu si je te dis « Poisson »?  A quoi penses-tu si je te dis « Hirondelle »?

Moi, pour le premier, je pense  à l’océan. Au profond de l’océan. Pour le second, je pense au ciel, à l’infini du ciel parcouru par une paire d’aile. Et quand je les mets ensemble je pense à l’univers. Et puis les mots les rendent matériels. Ils permettent d’abord au Poisson, ma dame Poisson, de me rendre visite, ensuite à l’Hirondelle, monsieur l’Hirondelle, de lui rendre visite à elle. Enfin en mélangeant ce tout, de voguer au ciel, puis de voler sous l’océan. De découvrir de nouveaux monde surprenant. À commencer par celui du Poisson-Hirondelle.

Photo : Guinée, septembre 2017.

 

« Parfois la vie nous est bien dure,
C’est même une belle salope
Tu sais, quand elle ravive de nos blessures,
C’est comme un poids qu’on porte

Un boulet qui nous tire,
Qui nous emportent en bon martyre
Au fond de l’océan
Là ou le chemin s’appelle néant

Où l’eau est plus salée que nos tristesses
Où le plafond est plus noir que nos idées
Et pi soudain, déjà qu’on se sent écrasé,
Voilà qu’elle nous rappelle à ceux qu’on laisse

Cette pute.

C’est comme un rasoir, tranchant,
Que tu avales, c’est comme du sable que tu suce
Et pi on te dit faut être performant,
On te dit faut prendre le bus

Mais putain la vie elle en à rien à foutre de nos performances…
Elle en à rien foutre des bus.
Mais rien à foutre.

Elle, elle marche à pied mais bien plus vite que toi parce qu’elle elle traverse les murs, elle traverse les toits. Elle traverse les champs, le temps et puis elle joue. Elle joue avec toi, comme elle joue avec la mort. Avec tes sentiments, avec tes émotions. Avec tes rêves et tes envies. Elle te baise en permanence, la vie. Tu t’es jamais demandé pourquoi le nouveau né y crie ?

Moi tu sais au début j’me voyais comme un homme,
Comme quelqu’un de bien,
Un gars qui en veut, un gars qui en a.
Qui vit son rêve, qui vit son Art.

Mais quand cette salope m’a rattrapé
J’étais perdu, à chercher ma putain de liberté
Elle-même qui n’existe que dans nos têtes
Alors que tous me la disent fête.

J’étais perdu sans savoir ou aller
Sans savoir qui aimer
A grimper des cols comme un salaud
Tu sais, s’enfuir sur un vélo

A vomir mes tripes, le doigt dans la bouche
Y mettre de l’énergie pour faire mouche
Tu sais le soir, se regarder dans l’eau des chiottes
Et comme seul espoir, appeler la mort comme on appelle une pote.

Tu sais Mia, une grande Dame un peu cochonne
Et sa sœur Ana, une fine Dame pas vraiment bonne.
Qu’elle belle équipe on faisait, tous les trois
A confondre sable et chocolat…

Oui la vie tu sais c’est une joueuse
Elle joue avec nous, comme elle joue avec la mort
Elle se veut pieuse
Mais tu sais, elle, elle sait vendre son corps

Elle se prend pour une grande Dame
Mais c’est plutôt ruelle d’Amsterdam
Elle se prend pour une princesse
Mais putain ce qu’elle nous blesse

Ouais la vie tu sais parfois j’me demande mais qui elle est ?

Est-ce qu’elle existe vraiment ?

Ce n’est pas une parenthèse entre la mort ?

Et pi elle mélange le deuil et pi la joie, la naissance et pi la mort
Comme si dans un cercueil en bois, fallait se partager nos corps

Fallait lui dire je t’aime, fallait l’épouser et pi l’aimer. La prendre dans les bras, lui offrir du plaisir, bref lui faire l’amour et pi donner la vie.

Ouais.

Mais est-ce qu’on peut faire l’amour avec la vie ? Et puis même si, tu ferais l’amour toi, à une salope ? T’en à la force ? T’en à le choix ? T’a les couilles pour ça ?

Moi j’sais pas.

Mais j’crois que oui. Tu sais c’est comme faire l’amour avec les mots. En se prenant pour une lettre. En se prenant pour un beau, pour le maître.

C’est un jeu tu sais. C’est jouer avec les lettres. Jouer avec les mots. Plutôt qu’avec la vie, la mort, et l’envie de se pendre le corps.

Partir à la pêche. La pêche aux lettres, là-bas, au fond de l’océan. Ou le chemin c’est le néant. Ou y a tous ces noyés, ceux qu’ont pas vu leur vie passer. Ceux que la vie à baiser, on sait pas trop pourquoi. A peine comment.
Là ou le plafond est si noir qu’y a plus que les lettres qui brillent, porteuses d’espoir.
Alors moi je pêche. Je pêche les lettres. Une à une. Je prends le temps, je les aime un peu et pis de poisson virevoltant elles finissent par se laisser attraper. Par venir à moi.

Tu sais les lettres c’est comme la vie, y faut les caresser pour qu’elle t’aime un peu. Pour qu’elles fassent un pas vers toi. Pour qu’elles pardonnent. Pour qu’elles t’embrassent. Et puis parfois elles se mettent à danser, pi à chanter. Et pi elles tu sais, elles sont pas comme moi. Elles, elles ont le rythme dans la peau. Elles savent comment bouger, comment se placer. Et puis les lettres, c’est elles qui te choisissent.

Pourtant au début c’est toujours pareil, face au « papier », stylo en main, tout en pensée, face au lendemain: je sais pas ou je vais. Surtout pas pourquoi. Mais j’y vais quand même, tu sais. Je vais quelque part sans savoir où, mais on s’en fout, je sais juste que j’y vais pi regarde, j’y vais même pas seul. Tu viens avec moi, sur le bout de mon stylo. Je t’emmène au vent. Au vent des lettres. Que tu le veuilles ou non. Le voyage a déjà commencé. Ça fait quelques lignes qui durent, quelques mots qui trainent, quelques rimes que j’aime, ce sera notre aventure. Pi regarde les mots, ils continuent. Ils nous mènent là ou vont les lettres.

Ils nous mènent là ou nous sommes en cet instant. Au milieu d’un putain de texte à partager des mots comme on partage des chips en bord de mer, en écoutant les vagues qui sont pas là parce qu’au fond de la mer y a pas de vague bordel. Y a que le fond, et pi le néant. Et pi chialer nos morts. A se dire qu’on aimerait qui vivent encore. Et insulté la vie parce que c’est une belle salope, une pauv’dame qui aime personne. Regarde elle aime pas les vieux, elle aime pas ni les malades ni les tristes et malheureux. Et surtout pas les cancéreux. Et parfois elle vient même faire chier les nouveaux-né. Elle aime personne en fait, sauf les cailloux et puis tout ce qui existe sans vivre. Mais les vivants la vie tu sais, c’est pas trop son truc. On est tout un peu sa tête de turc.

Mais aussi, c’est vrai, au fond de l’océan. Là ou le chemin c’est le néant. Là ou y a tous ces noyés de la vie, tu sais ceux qu’on pas vu leur vie passer. Ceux que la vie à baiser.

Pourtant en insistant, en peignant l’soleil avec du miel, en cherchant bien, là-bas regarde, sous un caillou, se cache un B. Mais pourquoi un B putain? Qu’est-ce qu’on peut foutre avec un B ? Moi le B c’est pas ma lettre préférée, je préfère le A, le O, le H, le X et le K. Le M à la rigueur Mais le B ? Franchement… Et pi tu vois soulève un peu le caillou et creuse un peu. OK t’as du sable partout, enfin c’est de la vase mais on s’en fout, car souviens-toi: sable rime aussi avec chocolat.

Tu le vois pas qui dépasse, le F ? Derrière un plancton. Il Flotte le F, comme un Fantôme, un Funambule. Allez viens on le ramène avec nous. Il nous mènera certainement plus loin, en tout cas quelque part. Et pi tu vois, regarde, y ce balade avec un Z, j’avais même pas vu. Il le tient par la main. Bon, nous voici déjà avec trois lettres : un B, un F et un Z, dont deux se tiennent par la main. Alors qu’en faire ?

Tu sais les lettres elles ont bien plus de pouvoir que tu crois. Les lettres elles nous font voyager plus vite qu’avance le temps, et puis elles nous permettent même de le remonter. De remonter la mer aussi, quitter le fond de l’océan traverser la pression, et rencontrer les vagues. J’adore ça moi, les vagues, tu sais. C’est le pied. C’est parfait pour écrire, avec un œil sur le ciel, regarde l’oiseau. A écouter les vagues interminables comme on regarde un feu un soir de premier août dans un chalet en bois sur un alpage.

Alors là s’il faut écrire, moi, moi j’écris l’amour, j’écris les rires. J’écris fleur bleue parce que moi je suis plutôt Rome Antique et me d’mande pas ce que j’fous en Afrique. J’y suis juste allé c’est tout.

Et puis parce que tu sais les lettres elles, en réalité, elles ont en rien à foutre de l’orthographe. Au moins autant rien à foutre que des performances et du besoin de prendre ces putains de bus à la con.

Alors oui, avec un B, un F et un Z moi j’écris Fleur Bleue. Et j’en tient deux par la main. Et si t’es pas d’accord eh ben tant pi, moi j’en ai rien à foutre. C’est à prendre ou à laisser. Moi j’écris plus la mort, j’écris plus la merde. Tu comprends ?

Moi j’écris juste des lettres. Et c’est elles qui me choisissent. Elles me mènent quelques part, entre nous c’est toujours des beaux voyages mais au départ, on sais pas ou, juste que ce sera quelque part. Ensemble. En train ou à vélo. En lettre et pour les mots. Et cette fois avec toi. Oui avec toi. Que tu le veuilles ou pas.

C’est trop tard si tu voulais pas v’nir, le nuage est déjà parti, emporté par le mistral. Tu le connais toi, le mistral gagnant! Et nous on flotte dessus. On flotte dessus pi moi j’aime ça, flotter sur les nuages et suivre le mistral gagnant et commencer les phrases sans même savoir comment elles vont se terminer. Commencer un mot sans même savoir son suivant, son précédént!

Parce-que les lettres tu vois, elles te mènent où tu veux, partout, sur la Lune à se baigner sur Mars et faire du foot sur Saturne. Grimper des cols sur Uranus ou faire l’amour sur la dune. Elles te mènent partout les lettres, dans tout l’univers entier et bien plus encore.

Et pi tu sais, elles nous mènent jusqu’à nos morts, les lettres.

Oui.

Jusqu’à nos morts.

Avec les lettres tu peux leur écrire et leur dire de revenir. Leur demander comment ils vont. Ce qu’ils deviennent et s’ils aiment toujours les lasagnes ou les pizzas. Pi les éclairs au chocolat.

Tu peux même leur demander pourquoi en partageant tes larmes.

Leur demander si ça va et rallumer la flamme.

Tu peux tout faire avec les lettres, tout visiter la Terre entière et l’univers, étoile après étoile, comète après comète.

Et les prendre dans tes bras.

Pi tu vois le voyage continue et il m’a perdu. J’étais là, ce soir, pour être de ton côté. Pour trouver les mots qu’il faut et l’énergie qu’il faudrait. Mais j’me suis perdu. C’est les mots qui m’ont trouvé et qui me trouvent encore. Les uns après les autre. Lettre après lettre. Ce sont eux qui forment l’énergie qui nous lie. Ce sont eux qui un instant redonnent la vie.
Car si les lettres n’ont d’odeurs, elles ont le goût de l’éternel. Encore plus doux, plus sucré que le miel. Oui car elles s’écrivent un jour et demeure ainsi pour toujours.

Tu peux les lire et les relire, elles n’auront pas changé. Aujourd’hui, demain ou dans 1000 ans, elles seront toujours les mêmes, à raconter la même chose, la même histoire, les mêmes proses.

Elles seront toujours cette étincelle de vie, elles seront là même quand l’écrivain, lui, n’y sera pas. Elles sont le prolongement de la vie. Une parenthèse passée qu’on lit au présent. Et en les lisant c’est comme sa vie qu’on rend au mort. Comme le marin perdu qu’a retrouvé son port.

Les lettres elles sont la vie qu’épouse Marie. Elles sont l’amour dans les journaux, la vérité sur le papier. Elles sont cols et puis vélo. Mais elles sont nous également. Par fête ou tristement.

Elles sont toi et moi.

Poisson dans le ciel,
Les lettres c’est comme aimer mais pour l’éternité
C’est l’Hirondelle
Les lettres c’est le désir et l’exister.

C’est l’utopie
C’est l’harmonie

Celle du pinson qui te chante la belle chanson
Celle de l’idiot du village qui au mérite y trouve sa Marguerite

C’est flirter avec la vie pi lui dire je t’aime
S’laisser aller à la r’garder pi lui écrire un beau poème

« Faire de nos nuits de longs pornos mais beaux quand même
Car dès mots, tu sais, naissent les poèmes »

Puisqu’en ces mots ils vont rev’nir
Tu sais juste pour nous lire
Comme un morceau de rêve égaré
Comme rattrapé par le désir
Comme un oiseau qui sais nager
Ils vont rev’nir
Comme un mot qui sais se placer

Comme une lueur de Liberté »

A vendre des sourires et non s’enfuir
Faire du destin ce qu’on aime tant

Ca se pert pas un sourire
Ca s’oublie seulement

Ca s’oublie seulement… »

Olivier Rochat

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